Encore une excellente question. Alors, qu'est-ce qu'un rêve lucide? Diverses définitions de cette expérience ont émergé dans la littérature. La plus simple définition est que les rêves lucides sont ceux dans lesquels le sujet est conscient lorsqu'il rêve. D'autres chercheurs ont ajouté à cette définition un qualificatif: il faut être parfaitement ou pleinement conscient que l'on rêve. Ce qu'on entend exactement par les termes «parfaitement» ou «pleinement» n'est généralement pas explicitement expliqué, mais habituellement cela implique la capacité d'exercer consciemment le contrôle sur les évènements dans la scène du rêve. Il faut toutefois noter que même si la lucidité dans les rêves est souvent accompagnée de divers degrés de contrôle des rêves, cette capacité n'est pas en elle-même un indicateur suffisant pour définir la lucidité. Une définition plus large et plus précise de ce qui constitue un rêve lucide est donnée par LaBerge (1980), qui suggère que la conscience vécue par un rêveur lucide n'est pas différente de celle qui est vécue pendant l'état d’éveil. Ainsi, LaBerge (1980) écrit que «le rêveur lucide peut raisonner clairement, se souvenir librement et agir de manière volontaire sur la réflexion, tout en continuant à rêver vivement» (p.1039). De même, Tart (1979) affirme qu'un rêve lucide est plus que juste le fait pour le rêveur de réaliser que «c’est un rêve». Comme LaBerge, il suggère que, dans un rêve lucide, «les processus mentaux «supérieurs» que nous considérons comme caractérisant la conscience éveillée, comme la continuité des souvenirs, la capacité de raisonnement et le contrôle volontaire des processus cognitifs et des actions du corps (au moins pour le noyau du rêve), tout semblent fonctionner à un niveau lucide et éveillé » (Tart, 1979, p.256). Tholey (1988) et van Eeden (1913) ont également adhéré à cette conceptualisation de l'état du rêve lucide.
Il semble alors que l'expérience du rêve lucide peut être mieux comprise si elle est placée sur un continuum. À une extrémité, nous retrouverions ce que l'on peut appeler la lucidité de bas niveau, dans laquelle un individu peut se rendre compte qu'il ou elle rêve, mais ensuite se réveiller, ou simplement rechuter dans le rêve non-lucide. Au milieu du continuum il y aurait ces rêves lucides dans lesquels le rêveur, en plus de savoir qu'il rêve, peut aussi exercer un certain degré de contrôle sur l'environnement de rêve et conserver certaines des ses fonctions mentales, mais pas toutes, de son état éveillé. Ainsi, une personne dans cette situation pourrait être en mesure de se déplacer dans la scène de son rêve comme elle le veut, mais pourrait être incapable de modifier certains aspects tels que de se rappeler quel jour on est, ou de se rappeler de son horaire du lendemain. À l’autre extrémité du continuum se trouve finalement les rêves dans lesquels un individu peut exercer un contrôle considérable sur le contenu du rêve et, plus important encore, où il se trouve en possession de ses facultés mentales dans la même mesure que si la personne était complètement éveillée.
Il faut ajouter à ce continuum ce que Green (1968) a appelé les «rêves pré-lucides» ainsi que le phénomène des «faux-réveils». Le premier se rapporte à ces rêves «dans lesquels le sujet adopte une attitude critique vis-à-vis de ce qu'il éprouve, au point même de se demander « Est-ce que je rêve?» mais sans se rendre compte qu'il est en fait en train de le faire (Green, 1968, p.23). Ce dernier réfère aux expériences de rêve dans lesquelles on rêve que l'on s’est réveillé, généralement dans son environnement de sommeil habituel. Ces deux phénomènes sont connus comme se produisant chez les rêveurs lucides, surtout chez les novices (Blackmore, 1988, Green, 1968, LaBerge, 1985, van Eeden, 1913).